La notion du temps, indifférente aux Sénégalais
Le Sénégalais aime perdre du temps et arriver ainsi en retard. Il a réussi sur l’effet démobilisateur de la non-sanction, de faire de la question du temps un symbole refroidi.
C’est là une problématique majeure qui invite à une introspection. Arriver à l’heure à son lieu de travail ou en réunion constitue l’exception.
Des hauts responsables politiques et administratifs aux simples fonctionnaires et citoyens, en passant par la gente féminine que sa recherche effrénée de coquetteries reste ou jette dans les travers d’un mode insipide, tout le monde vient en retard. Et une magnifique inconscience collective d’accompagner cette culture de retard.
Même invité au paradis, nous disons bien même invité au paradis, le Sénégalais arrivera toujours en retard. Tel semble être le constat général établi dans les rapports que le Sénégalais établit avec le temps. Comme s’il en avait assez pour en perdre.
Voir son associé ou un client arriver à l’heure fait sursauter celui-là même qui avait fixé l’heure du rendez-vous, car pour lui, l’heure sénégalaise n’étant pas l’heure normale. Pour qu’on soit à l’heure dite sénégalaise, il faut venir une ou deux heures après, jamais avant.
Triste destin pour nous autres qui voulons faire partie des pays émergents, comme s’il existait une heure Al Pulaar, une heure Sérère, une heure Diola ou une heure Wolof.
Ainsi s’instaure une culture de retard qui fait qu’on risque de ne jamais être au rendez-vous.
Ainsi, cette culture de retard qui fait que l’un des secteurs les plus vitaux de notre économie, de notre développement, l’école, sera régulièrement perturbée ; ses activités démarrant toujours tardivement. C’est dans cette même logique que beaucoup d’enseignants hésiteront à venir à l’école aux jours fixés par le calendrier officiel. Beaucoup d’élèves continueront à squatter les terrains de jeux, les navetanes précisément, avec désinvolte. C’est ce qui fait que des émissions radiophoniques et télévisées, malgré le grand renfort publicitaire, sont diffusées toujours avec beaucoup de retard sans que personne ne s’en émeuve.
Sanctionner aujourd’hui un travailleur abonné au retard, c’est courir le risque d’être taxé de toubab, d’homme sans cœur. Pour beaucoup, en effet, absence et retard ne méritent pas une sanction. Cette attitude sommeillante fait que nous ne posons jamais le temps comme idéal qu’on s’impose et qu’on respecte.
C’est d’ailleurs cette attitude qui a conduit à la création de ce que le professeur Roland Barth appelle la mythologie africaine. Discours plus ou moins cynique qui permet de riser avec le temps et de fixer ainsi des échéances qu’on ne respecte jamais.
Aujourd’hui, le seul rendez-vous que le Sénégalais semble respecter, c’est quand arrive l’heure du jeun, le Ramadan, la rupture du jeun.
Nous persistons à dire que le temps n’est pas une réalité fumeuse ou ce qui va arriver, mais bien ce que nous en ferons pour peu qu’on comprenne que sa maitrise doit être pour nous une question centrale.
Ainsi, pour faire partie des pays émergents, des pays qui gagnent, des pays debout, des pays futuristes, souhait partagé par tous, il nous faut comprendre qu’on ne peut faire l’économie d’une gestion rigoureuse du temps.
En comprenant cela, nous transformerons sûrement notre indolence collective par rapport au temps, en énergie de progrès.