Cheikh Oumar Anne: « Pourquoi j’ai porté plainte contre Nafi Ngom Keïta »

L’homme a passé plusieurs années à porter sur ses épaules le poids d’accusations gravissimes, à être la proie de commentaires agressifs. Mais, l’ancien directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), a la carapace pour surmonter les événements.

Dans cet entretien accordé à «L’Observateur», le ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Cheikh Oumar Anne, par ailleurs maire de Ndioum, est revenu sur les grands projets de son département, le «fameux» rapport de l’Ofnac, sa maladie, entre autres. Sans détours.

Depuis votre nomination à la tête du ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, votre présence dans l’espace public est devenue rare. Qu’est-ce qui explique ce silence ?

Je suis ministre depuis le mois d’avril dernier. Donc, cinq (5) mois dans un secteur assez important, avec beaucoup de projets à relancer, il fallait se concentrer. Nous sommes sur le terrain du travail et parfois, je m’adressais à la presse. Mais, je ne vois pas de rupture par rapport à ce que je faisais dans le passé.

N’est-ce pas parce que votre nomination dans la Gouvernement a été fortement critiquée que vous avez opté pour le silence, pour ne pas vous exposer davantage, surtout que votre gestion du Coud a été épinglée par l’Ofnac ?

Depuis plus de 4 ans, je suis le Sénégalais le plus attaqué gratuitement sur la question de l’Ofnac et du Coud, qui revenait et qui est restée au-devant de la scène pendant 5 ans. A plusieurs reprises, j’ai été blanchi. Mais chaque fois, des gens essayaient de refaire la chose, comme si c’était nouveau. J’ai considéré qu’il fallait me taire, sur instruction de mon guide spirituel. Mon père, Thierno Bachir, m’a demandé de me taire, me rappelant que même le Prophète (Psl) a subi des attaques gratuites. J’ai donc respecté ses instructions.

Mais avec cette question-là, quand on m’a nommé ministre de l’Enseignement supérieur, des gens considéraient que je n’avais pas l’étoffe pour diriger ce département. Je suis enseignant du supérieur depuis 1990. Je fais partie des experts de dimension mondiale de l’Onudi et de l’Oapi sur les questions d’innovation, de transfert de technologie. Quand mon Curriculum vitae (Cv) est sorti, les gens savaient que j’avais le profil de l’emploi.

On m’a attaqué sur le Coud et c’est la deuxième fois que le Procureur sortait, avec beaucoup plus de précision, pour dire aux Sénégalais qu’on me reprochait 81 millions FCfa. Et ce montant, c’est par rapport à une manifestation bien déterminée. Ces 81 millions, c’est en moyenne, ce que dépense le Coud par jour et je gérais, à cette période, plus de 40 milliards FCfa.

Même si je n’avais pu justifier cela, les prérogatives que j’ai, jusqu’à 5% de mon budget, voudraient dire que ça ne peut pas être un détournement. Deuxièmement, dans le rapport de l’Ofnac, les 81 millions, c’était une caisse d’avance. Et celui qui gérait la caisse d’avance, a reconnu avoir utilisé les 81 millions et a justifié les dépenses. L’Agent comptable a dit qu’on a tout justifié. Il l’a dit et redit, mais personne ne l’a écouté.

Pour votre crédibilité, ne faut-il pas porter l’affaire devant la Justice ?

J’ai porté plainte contre l’ex-Présidente de l’Ofnac (Nafi Ngom Keïta : Ndlr) qui avait utilisé la voie de la presse pour me calomnier. J’ai porté plainte pour laver mon honneur. J’ai des valeurs et une éducation qui m’interdisent certains comportements. Ceux qui me combattaient, le faisaient pour plusieurs raisons que je ne vais pas dévoiler. Mais, ils ne prendront jamais le dessus sur moi, parce qu’ils n’ont pas les valeurs pour me renverser. Je rends grâce à Allah. Ceux qui me connaissent savent que j’ai des valeurs qui sont en total déphasage avec ce dont on m’accuse.

Et où en est la plainte ?

J’ai déposé la plainte et le Procureur est sorti pour me blanchir (voir ci-contre). J’ai beaucoup de choses à dire sur cette question-là et je peux me défendre. Mais, je ne peux poser que le principe et je crois en des valeurs. Et parmi ces valeurs, le respect de la volonté de mon marabout et père, qui m’a conseillé de ne pas répondre à la provocation.

A un certain moment, on a parlé de votre maladie qui vous a sorti du pays. Qu’en est-il exactement ?

(Il sourit) On a dit que j’avais été évacué et pourtant, le jour où je partais en France, j’ai travaillé jusqu’à 18 heures avant de prendre mon avion. J’avais une maladie qu’on a bien traitée et qui est guérie. Cette maladie ne m’a pas empêché d’aller travailler. Tout en faisant mon traitement, j’allais travailler. Aujourd’hui, c’est dommage qu’on souhaite ouvertement la mort à des adversaires politiques ou même des concurrents. C’est regrettable, mais c’est la vérité. Je ne pensais qu’au Sénégal, on est arrivé à souhaiter la mort de quelqu’un ou à fantasmer sur la maladie de qui que ce soit.

Certains vous disent atteint mystiquement. Vous y croyez ?

J’ai une maladie que les gens connaissent dans le monde. Et ce qui m’est arrivé, arrive à tous ceux qui ont une tension. C’est une maladie qui ne laisse pas de trace. Mais je ne crois pas à une quelconque atteinte mystique. Je ne crois pas au mystique.

Pour une meilleure formation des étudiants, l’Etat avait entamé de grands projets, comme les universités Amadou Makhtar Mbow et El Hadji Ibrahima Niasse. Où en sont ces projets ?

Depuis l’accession du Président Macky Sall à la magistrature suprême, le département de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a bénéficié d’un soutien constant, s’appuyant sur une vision clairement définie et maîtrisée, celle de faire du Sénégal un pays émergent. Ce qui nécessite une bonne formation des cadres. C’est dans cette dynamique que le Gouvernement s’était lancé à la construction de l’Université moderne Amadou Makhtar Mbow, qui a une orientation technologique.

Il y a aussi l’Université El Hadji Ibrahima Niasse, dont l’orientation agricole a été dès le départ affirmée, qui a aujourd’hui, démarré ses enseignements. D’autres projets de recherche s’inscrivent dans une maîtrise réelle des opportunités pour faire face à la concurrence. Le président de la République a mobilisé plus 600 milliards FCfa pour ces projets. Mais il y a eu quelques problèmes dans la finition des chantiers, liés à une non-maîtrise des coûts, parce que ces projets pour l’essentiel, étaient domiciliés à Diamniadio. Et dans cette zone, la nature du sol fait que les coûts des projets pouvaient doubler.

Maintenant, le Président a donné des orientations pour reprendre tout cela. Nous allons finir ces travaux et une première phase des bâtiments sera livrée en décembre 2020. Avec un planning, l’entreprise en charge de la construction va nous livrer 3 bâtiments en décembre 2019, ce qui nous permettra de lancer les enseignements sous format de curriculum d’école d’ingénieur et de formation de techniciens supérieurs. Et à la rentrée 2022, nous atteindrons une première cohorte de 3 à 5 000 étudiants. Ce qui permettrait de positionner cette université d’excellence dans le dispositif de l’Enseignement supérieur du monde.

Le collectif des instituts privés a suspendu les enseignements des étudiants orientés par l’Etat pour non-paiements de leurs frais de scolarité. A combien s’élève cette dette ?

Selon les factures que nous avons reçues des établissements, sur la base des contrats qui nous liaient, l’Etat leur doit 12 milliards FCfa. Mais, il est important que l’opinion comprenne qu’il y a un processus qui a été mis en œuvre pour orienter les bacheliers dans les écoles privées et leur permettre d’avoir un niveau équivalent à ce qui se fait dans le monde. Le système a démarré en 2013 et au cours de ces six (6) années, l’Etat a versé aux écoles privées 41 milliards FCfa.

Aujourd’hui, il y a un total de 30 mille étudiants orientés dans ces écoles et qui sont en cours de formation. L’Etat paie pour chaque étudiant, 40 000 FCfa, par mois. L’étudiant a la charge de payer ses droits d’inscription. A un certain moment, les enveloppes budgétaires prévues étaient inférieures au nombre d’étudiants orientés. Et l’Etat s’est retrouvé avec des arriérés. Il était prévu, au courant de 2019, que l’Etat devrait payer 12 milliards FCfa, 8 milliards FCfa pendant le premier semestre et 4 milliards FCfa au courant du deuxième semestre. Ces 4 milliards devraient être budgétisés lors de la Loi de finances rectificative (Lfr).

Les 8 milliards ont été pratiquement réglés, parce qu’à ce jour, les écoles privées ont reçu 7,8 milliards FCfa. Mais, les établissements privés nous ont dit que ce qui les inquiète, c’est que les 4 milliards ne figurent pas dans la Lfr. C’est pourquoi ils ont pris la décision d’arrêter les formations. Nous avons été mis devant le fait accompli. Mais, l’Etat veillera à ce que les engagements de tout le monde soient respectés. Nous n’accepterons plus qu’il y ait une rupture de contrat de manière illégale. Les établissements privés sont dépositaires d’une mission publique que l’Etat leur a conférée. Le Gouvernement va prendre toutes les mesures pour faire respecter ses droits.

Le Président Macky Sall est à son second et dernier mandat. Comment doit se préparer sa succession ?

Le Président Macky Sall est réélu pour diriger le pays pendant les 5 ans à venir et il travaille pour l’émergence du Sénégal. Maintenant, il appartiendra au peuple de décider de celui qui va le succéder. En tant que chef de parti, il travaillera, le moment venu, pour voir quel est le meilleur candidat pour le Sénégal d’abord et il fera de telle sorte que notre parti (l’Apr), notre coalition, puisse continuer à diriger le Sénégal.

Mais d’aucuns soutiennent que la suppression du poste de Premier ministre ne vise qu’à préparer un dauphin. Qu’en dites-vous ?

D’autres disent aussi que la suppression du poste de Premier ministre, c’est pour empêcher des batailles pour le dauphinat. Cette question n’est pas à l’ordre du jour dans le Gouvernement. Je ne pense pas que le Président puisse, dans ses réflexions, prioriser l’élection de 2024. Dans ce pays, on parle beaucoup politique. Ceux qui agitent cette question, sont ceux-là qui sont toujours battus par le Président Sall, depuis 2012. C’est l’opposition dans sa globalité. Cette préoccupation est portée par des hommes qui interviennent dans la politique par pur opportunisme. Aujourd’hui, il y a des gens qui ne veulent pas que le pays avance. Ils cherchent à nous installer dans une politique éternelle.

Depuis sa réélection, l’opposition ne cesse de s’attaquer à Macky Sall et son régime, surtout depuis que l’affaire du présumé scandale sur le pétrole et le gaz a été ébruitée par la Bbc. Quelle lecture faites-vous de ce comportement des adversaires de Macky ?

Notre démocratie a atteint un certain niveau, qu’on ne peut pas se réveiller un bon jour et qualifier certains hommes d’opposants politiques, alors qu’ils n’ont jamais bénéficié d’un mandat populaire. Il faut qu’on reconsidère le qualificatif «homme politique». Parce que des gens comme Abdoul Mbaye, Mamadou Lamine Diallo et tous les autres ne méritent pas qu’on les qualifie d’hommes politiques. Ils n’ont aucun engagement politique dans ce pays. Ce sont des opportunistes.

Abdoul Mbaye a été promu directeur général d’une banque d’Etat à sa sortie de l’école, parce que le Président Diouf était son parrain, mais il n’avait pas le meilleur profil. De parrainage à parrainage, il est devenu Premier ministre, par la volonté du Président Sall, parce qu’il considérait qu’il était compétent. Aujourd’hui, tous les Sénégalais sont déçus de son comportement. Par la fabrication de mensonges, Abdoul Mbaye a décidé de discréditer celui qui lui a fait confiance.

C’est pareil pour Mamadou Lamine Diallo. Ils ont voulu vendre aux Sénégalais une ineptie, en parlant d’un scandale de 10 milliards dollars sur le pétrole et le gaz. Abdoul Mbaye est un mécontent, un aigri, un rancunier qui veut combattre son bienfaiteur (Macky Sall, qui l’avait nommé Premier ministre, Ndlr). C’est le même cas que Mamadou Lamine Diallo. Ils ont été tous les deux pistonnés, mais ils n’ont aucun mérite. Ousmane Sonko est également dans ce lot, c’est par le mensonge qu’il existe.

leral.net

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