Manoeuvres malsaines de la France contre le Sénégal : On a frôlé une rupture diplomatique (Par Mamadou Mouth Bane)

Les sénégalais ont lu le communiqué du gouvernement jugé très mou, réagissant au traitement tendancieux de l’information par la chaîne française France24. La réaction sénégalaise n’a pas été à la dimension des manœuvres malsaines de cette télévision expulsée du Mali et du Burkina Faso.

L’on s’attendait à un ton ferme ou tout simplement à un rappel de l’ambassadeur sénégalais à Paris. Dakar qui est bien au fait des tentatives de Paris, devrait élever la voix pour mettre un terme à toute forme de terrorisme d’Etat.

Depuis bientôt deux ans, Paris pose des actes qui menacent la stabilité du Sénégal. La dernière interview d’Ousmane Sonko sur France24 a été le geste de trop. La chaîne française a accordé un entretien à cet opposant condamné, qu’elle appelle affectueusement «Président Sonko ».

En dehors de cette télévision, il y a également le journal LeMonde et la radio RFI qui sont le prolongement du Quai d’Orsay et de la DGSE. Ces médias accompagnent la politique extérieure de Paris. En conflit avec la France, le Mali et le Burkina Faso ont chassé ces organes de presse qui prennent trop de liberté en violation de certains principes.

Face à la montée de l’influence russe en Afrique francophone, Paris a jugé utile de soutenir les jeunes leaders africains afin de reconquérir la jeunesse. C’est ce qui explique le soutien français à Ousmane Sonko au Sénégal et à Succès Masra au Tchad. Le sommet France-Afrique organisé à Montpellier, le 08 Octobre 2021, entre Emmanuel Macron et une douzaine de jeunes africains, entrent dans cette logique reconquête du continent à travers les jeunes.

En Afrique de l’Ouest, le Sénégal est une priorité pour l’ancienne puissance coloniale. On en veut pour preuve supplémentaire, les 46 articles publiés par le journal LeMonde sur le pays de la Teranga, en 30 jours (du 01 au 30 Juin 2023).

Les autorités sénégalaises ont mal apprécié les faveurs que la France24 accorde à Ousmane Sonko condamné sur deux dossiers judiciaires. Et, pour la énième fois, ce dernier profite des temps d’antenne que lui offre gracieusement la chaine française, pour appeler à l’insurrection et au chaos dans le pays. La télévision a permis à Sonko de proférer des menaces sur la présidentielle de 2024, au cas où il ne serait pas candidat. Violant les mesures prises par les autorités sénégalaises, le média français a usé de ses moyens technologiques, pour escalader les barrières érigées devant le domicile de l’opposant, pour s’entretenir avec lui. Désormais, les appels à l’insurrection passent par les média français.

C’est une pratique récurrente. Car en 2010 en Libye, les média français soutenaient les groupes armés opposés à Muhammar Khadafi, convertis dans le terrorisme islamiste, après la chute du Guide. De son vivant, Khadafi mettait en garde les français qui selon lui, soutenaient Al Qaïda. Aujourd’hui, l’ancien Guide libyen a eu raison sur la France et sur l’OTAN. Au Mali, la France collabore avec le Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA).

En Afghanistan en 1979, les éléments de la DGSE française étaient du côté des Mujahidounes talibans et du commandant Massoud. Les français avaient également soutenu le chef rebelle angolais, Jonas Savimbi. Aujourd’hui, l’alignement de Paris sur Ousmane Sonko obéit à une logique politique qui consiste à créer des groupes politiques dissidents, pour affaiblir le pays.

Comprenant la démarche sournoise de Paris, les autorités sénégalaises auraient failli engager une rupture diplomatique contre la France selon des sources crédibles. Après la sortie de Sonko, le pouvoir était dans tous ses états. «Le comportement de France24 est inadmissible» a confié une personnalité très influente dans le milieu politique sénégalo française. Un diplomate sénégalais a estimé que le gouvernement français a un comportement «inélégant» vis-à-vis de Dakar. D’ailleurs, une autre source, nous a appris qu’une autorité sénégalaise très proche du président Macky SALL, aurait interpelé les responsables de France24 sur les agissements «intolérables» de cette télévision contre le Sénégal.

Ainsi, après la sortie d’Ousmane Sonko sur la télévision, par souci d’équilibre, la parole a été donnée au Chef de l’Etat par le journal LeMonde, positionné, pour calmer le gouvernement. Une sorte de somnifère qui n’a pas empêché au président Macky SALL de remettre les choses à leur place.

Paris n’arrive pas à digérer l’affranchissement de Macky SALL vis-à-vis de la France. Et les autorités veulent faire regretter au président SALL, certaines discisions qu’il a prises, dont la dernière est l’audience qu’il a accordée à Marine LePen. Sur ce fait, Macky SALL a dit dans sa dernière interview : «Marine Le Pen est venue au Sénégal et a demandé que je la reçoive, j’ai accepté. Cela ne peut pas être un facteur de déstabilisation de la relation avec la France. J’ai, pour ma part, trouvé inélégant que Paris missionne [en mars] une conseillère [de l’Elysée] pour rencontrer mon opposant [Ousmane Sonko]. Pour autant, cela ne va pas casser notre relation ».

« Déstabiliser !» Le mot est lâché par le président sénégalais qui avait déjà reçu des signaux lors de son voyage à Sotchi le 03 Juin 2022, au cours duquel, les entreprises françaises d’assurance avaient refusé d’assurer l’avion qui l’amenait en Russie. C’était pour eux, une manière de lui mettre la pression dans le but de le pousser à annuler ce déplacement. «Au-delà du territoire turc, nous serons plus en mesure de vous assurer» auraient-ils dit à l’équipage du président sénégalais qui n’en avait cure de ces menaces.

Un autre facteur qui explique les brouilles encore silencieuses entre Dakar et Paris, concerne les nouvelles orientations dans les relations entre la France et l’Algérie. Le 27 Août 2022, la France de Macron a signé un nouveau Pacte de partenaire avec l’Algérie. C’était deux mois après la visite du président SALL en Russie, en compagnie de Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine. Cette nouvelle alliance entre Paris et Alger s’explique par le besoin de la France de trouver des moyens d’acquérir le gaz algérien. Car, le conflit russo-ukrainien a provoqué une crise énergétique sans précédent en France, allant jusqu’à pousser Macron a invité les français à réduire leur consommation en gaz dans les foyers. L’alliance franco algérienne vise également à réduire l’influence du Maroc en Afrique de l’Ouest, notamment au Sénégal. Le Polisario serait d’ailleurs en activité clandestine au Sénégal.

En outre, les membres des Frères musulmans algériens en étroite collaboration avec l’armée nationale, cherchent à déployer leur influence au Sénégal dans le but de perturber la politique marocaine. Les relations diplomatiques entre Dakar et Rabat sont citées en référence en Afrique. D’ailleurs, les investissements marocains dans le domaine de l’éducation, de la pêche, des banques et assurance et sur le plan religieux sont très importants. Et avec l’exploitation prochaine du pétrole et du gaz, les institutions bancaires et les entreprises d’assurance marocaine auront beaucoup à gagner. Ainsi, malgré la décision du président Macky SALL de se retirer en 2024, la France et ses alliés, cherchent à influencer le jeu politique sénégalais.

Depuis quelques années, c’est la DGSE qui définit et applique, la politique étrangère de la France. Son avis compte. Le recul de l’influence française en Afrique francophone, préoccupe énormément Paris qui mise sur des opposants africains, afin de venir en force dans le jeu politique africain.

Macron subit les manœuvres de la DGSE qui s’est orientée vers l’Algérie en se mettant à dos le Maroc pourtant, allié traditionnel de la France en Afrique du nord, dans le monde arabe et dans la région méditerranéenne. L’option de la France de positionner des agents de renseignement dans les ambassades (comme ambassadeur), entre dans une logique de faire jouer les Services secrets, des rôles dans la politique étrangère française.

D’ailleurs, Christophe BIGOT actuel Directeur Afrique au Ministère des Affaires étrangères de France et ancien directeur de la stratégie des renseignements français, était ambassadeur de France au Sénégal. Il n’a pas quitté Dakar, sans amertume. Son estime pour le président SALL s’est effritée suite au refus de ce dernier, de demander à l’Elysée, sa prolongation à son poste à Dakar, comme il (Bigot) lui (Macky SALL) aurait demandé. En 2019, lorsqu’il partait, il avait déclaré que son départ était comme une « déchirure». Bigot ne voulait pas quitter Dakar et le président SALL ne l’avait pas aidé à rester en poste.

Par ailleurs, Paris n’a pas bénéficié des contrats de pétrole et de gaz au Sénégal. L’entreprise Total, est rentrée bredouille du Sénégal. Les recherches au niveau de Rufisque Offshore n’ont pas été fructueuses.

Paris a l’habitude de réussir des coups politiques, dans des pays africains en crise. Les groupes armés (ou indépendantistes) maliens, centrafricains, burkinabés, angolais, éthiopiens, ont souvent collaboré avec des agents français. Il en est de même pour le MFDC dont des leaders bénéficient d’un traitement spécial en terre française avec titre de séjour et prise en charge. Après avoir hébergé des leaders du MFDC sur son territoire, Paris s’appuie sur Ousmane Sonko pour influencer le jeu politique en 2024. A une haute autorité sénégalaise, Macron aurait confié : «La France ne soutient ni Sonko, ni la rébellion». Mais les faits le contredisent.

Au plan militaire, la France semble gênée par les accords de défense que le Sénégal a signés, avec les Etats-Unis en 2016. Les accords parlent d’une «présence permanente» des forces américaines sur toute l’étendue du territoire national. Les forces armées françaises se sentent ainsi concurrencées par l’armée américaine, sur le territoire sénégalais. L’exclusivité accordée à l’armée française depuis 1960, est ainsi rompue au Sénégal par le président SALL en 2016. En plus, la France ne gagne plus, comme avant, les marchés d’armement, de l’armée sénégalaise qui a varié ses clients. Cela est considéré comme une «faute grave» du président sénégalais par la France.

Il y a également, l’entrée en force de la Turquie qui semble avoir pris la place de la France au Sénégal en termes d’investissement et de marchés. Depuis 2012, tous les grands chantiers réalisés par le président SALL l’ont été avec des entreprises turques et chinoises pour la plupart, même si la France n’a pas perdu toute sa part des marchés.

La percée des Emirats Arabes Unis (EAU) au Sénégal a également réduit l’influence française. Par exemple, les EAU ont offert au Sénégal un incubateur de 20 millions de dollar, là où France Télécom voulait vendre ce projet au Sénégal à travers l’entreprise française Atos dirigée par l’ancien ministre français de l’Economie et des Finances de France, Thierry BRETON. Ce projet offert gratuitement par les Emirats arrive au moment où la France a lancé l’école sur la cybersécurité.

Ce n’est pas tout, car les investissements de Dubaï Port World au Sénégal, semblent provoquer la faillite de Bolloré au Sénégal. S’y ajoute le port de Ndayane qui est le plus grand investissement portuaire en Afrique de l’Ouest. La première phase de ce projet porte sur un investissement de DP World Dakar de 837 millions de dollars. Il s’agit là, du plus important investissement du secteur privé dans l’histoire du Sénégal. Et la seconde phase est estimée à 290 millions de dollars. Ces investissements ont été réalisés par un pays arabe qui n’a jamais colonisé le Sénégal…

« Le problème entre le Sénégal et la France, c’est qu’il n’y a pas de problème » disait le président SALL. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Par Mamadou Mouth BANE

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