Awadi sur Sénégal-Bénin : « la vérité est que dans tous les cas, moi je gagne »

Sénégal-Bénin, « c’est la rencontre de ce que je suis », déclare le rappeur sénégalais d’origine béninoise Didier Awadi, au sujet du match devant opposer les deux pays pour les quarts de finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2019.

« Cette rencontre, c’est la rencontre de ce que je suis. C’est avec beaucoup de plaisir que je vais vivre cette rencontre des deux pays qui sont en moi », dit-il dans un entretien avec l’APS.

Sollicité pour un entretien à ce sujet, deux jours plus tôt, l’artiste avait ri aux éclats, informant que le coup de téléphone du reporter de l’APS était le énième qu’il recevait de la part d’amis et de proches, après la confirmation de la confrontation entre le Sénégal et le Bénin, après la victoire des deux équipes aux huitièmes de finale.

Né à Thiès (ouest) d’un père béninois adopté en Casamance, dans le sud du Sénégal, à Djignaky précisément, l’artiste rencontré dans ses bureaux « Studio Sankara », sis à la Sicap Amitié 2, à Dakar, souligne être « le seul qui, dans tous les cas, va sortir victorieux de ce match ».

Le rappeur dit avoir été assailli par ses amis le sommant de choisir son camp, entre le Sénégal et le Bénin, depuis la qualification des deux équipes pour les quarts de finale de la CAN 2019, mais Didier Awadi refuse d’avoir une « position tranchée ».

Il note pourtant avoir « forcément (…) beaucoup plus de +thiébou dieun+ (plat national sénégalais) que de +gari+ (plat national du Bénin) » en lui.

« Tout le monde m’appelait en me demandant quelle équipe j’allais choisir maintenant ? Cela m’a fait rigoler, j’ai reçu des messages de partout, ici au Sénégal et de l’extérieur. Ceux qui savent que j’ai les deux pays en moi, veulent savoir ma position. Pour certains, je suis un traître », s’amuse l’artiste, dont la gaieté plonge son interlocuteur dans une ambiance d’avant-match.

Choisir entre le Sénégal et le Bénin est « très compliqué » pour lui, mais en même temps « c’est très plaisant », relève-t-il.

« J’espère que je n’aurai pas d’attaque cardiaque ce jour-là (mercredi 10 juillet) », lance-t-il. Awadi compte de toutes les manières suivre « avec beaucoup de pression » cette rencontre, « mais pour des raisons de politique et de diplomatie correcte, dit-il, je vais faire pour une fois dans la langue de bois ».

Le producteur audiovisuel et musical vibre « naturellement » pour les deux équipes, mais il laisse entendre que la balance semble pencher vers le Sénégal.

Didier Awadi évoque par exemple le « grand respect » qu’il éprouve pour Aliou Cissé, le sélectionneur national du Sénégal.

« Evidemment, par rapport à l’équipe du Sénégal, rien que pour Aliou Cissé, j’ai envie qu’elle gagne, parce que j’aime cet homme, j’aime son +diom+, son attitude. Il ne parle pas beaucoup, il avance malgré les polémiques et montre ses résultats », souligne l’artiste.

S’y ajoute « la forte personnalité » du technicien sénégalais, qui avance inexorablement vers ses objectifs, malgré les critiques et les avis des 16 millions d’ »entraîneurs » sénégalais, « lui, il avance et j’aime cela, il a une forte personnalité et je sens que ses joueurs le respectent, la fédération aussi, j’ai énormément de respecter pour lui ».

« Je le (Aliou Cissé) connais, j’ai beaucoup d’admiration pour cet homme et aussi pour les joueurs évidemment. Je connais mieux cette équipe sénégalaise », lâche finalement Didier Awadi.

Toujours est-il que Didier Awadi est accusé d’être un « fayot », relativement à son soutien à l’équipe béninoise. « C’est la fibre paternelle qui parle », justifie le rappeur.

« Dans ce match, la vérité est que dans tous les cas, moi je gagne. Je suis un +Sénégalo-Gnak+ comme dit la rappeuse Mouna. Je suis le seul qui peut jubiler des deux côtés avant, pendant et après le match », fait valoir l’interprète du disque « Présidents d’Afrique » (2010).

Il concède avoir « beaucoup d’estime » pour des pays comme le Bénin qu’il n’attendait pas à ce niveau de la compétition. « Cela a été une belle surprise. Et quand tu regardes le match avec le Maroc, tu te dis ouah ! » dit-il, presque stupéfait par la performance des Ecureuils.

Aussi souhaite-t-il que des équipes comme le Bénin ou Madagascar aillent loin dans cette CAN 2019, « parce que c’est beau ce qu’elles font, personne ne les attendait, mais elles arrivent à y être avec la manière. »

Concernant Sénégal-Bénin de ce mercredi, le panafricaniste Awadi, qui s’entoure des portraits de Thomas Sankara, Sékou Touré, Mandela, Léopold Sédar Senghor, Juluis Nyerere, Cheikh Anta Diop, Amílcar Cabral, entre autres, aimerait surtout que le Sénégal gagne pour que Sadio Mané puisse remporter le Ballon d’or africain.

« Mais j’aimerais voir les petits Ecureuils bouffeurs de lions aller loin aussi », dit-il tout de suite. C’est dire que le rappeur est partagé entre les deux équipes. Didier Awadi conseille tout de même aux Lions du Sénégal de prendre « très au sérieux » ce match contre le Bénin.

« Il faut faire attention parce que Les lions de l’Atlas (l’équipe du Maroc) sont passés à la casserole, les Lions indomptables (l’équipe du Cameroun) ont été tenus en échec [par le Bénin]. Ce sont de petits Ecureuils, mais attention, car on dirait qu’ils sont venimeux ».

« Je suis mort, car tous les copains vont m’attaquer et m’imposer de faire un choix. Il y a juste des moments où tu ne peux pas faire le choix, ce sont les joueurs sénégalais que je connais, c’est l’entraîneur sénégalais qui est mon ami, c’est clair qu’il y a une partie qui penche… Mais des deux côtés, je gagne. Là, c’est on gagne ou on gagne », avance-t-il.

Didier Awadi, qui se rend souvent au Bénin pour renouer avec ses racines dont il se dit fier, affiche sa joie d’être la somme de beaucoup de pays africains, du Bénin au Nigeria, du côté de son père, et du Cap-Vert à la Guinée-Bissau pour la partie maternelle.

« J’ai beaucoup de sang très différent dans mon corps, et c’est cela ma fierté panafricaniste : savoir que j’ai toutes ces origines en moi. C’est toutes ces origines que j’assume pleinement, et donc je suis fier. Elles m’ont enrichi et ouvert l’esprit. Je ne les renie pas », confie Awadi.

A l’image de la famille Awadi, qui vit au Sénégal depuis des générations, de nombreux Béninois d’origine n’ont plus rien de Béninois, si ce n’est la consonance de leur nom : Akibodé, Agboton, Baguidi, etc.

L’artiste fait observer que ces familles sont implantées pour la plupart à Dakar, dans les quartiers Sicap Karack et Sicap Amitié, à Thiès aussi, mais également en Casamance. A ce titre, l’expression « à la Dahomey », du nom de l’ancien nom du Bénin, pour qualifier quelque chose de demi teinté, symbolise le mieux pour Didier Awadi la part culturelle des Béninois dans la société sénégalaise et le profond entre les deux pays.

Aps

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